130 tués en quelques heures à Paris et Saint-Denis. L’évocation de ces meurtres glace encore. Notre dégoût face à ces lâches assassinats est total. Aux lendemains des attaques, nous rappelions l’urgence de la démocratie et de la raison face au fanatisme et à la peur. Chacun essaye de faire face à sa manière, chacun à sa place.
Pour autant, nous ne sommes pas dupes. Pas dupes de la volonté des assassins de diviser les Français selon leur religion réelle ou supposée et de nous faire renoncer à nos libertés. Leur projet sera mis en échec. Pas dupes non plus de la tentative d’instrumentalisation de ces attaques pour alimenter le racisme. Céder à la haine et à la division serait donner raison aux meurtriers. Pas dupes de la volonté des plus hautes autorités de profiter de l’occasion pour renforcer la logique autoritaire et personnelle du régime de la Vè République.
La peur et le besoin légitime de protection ne trouveront aucune réponse efficace dans des atteintes aux libertés démocratiques. L’État d’urgence a été prolongé d’abord par souci de communication : la lutte anti-terroriste n’est pas renforcée par une marginalisation encore plus grande de la justice. L’urgence réelle est ailleurs : les coupes budgétaires et l’orientation politique vers la communication ont rendu l’État incapable d’assurer ses missions essentielles, à commencer par assurer la sûreté des citoyens. Si l’État tient encore, c’est grâce au dévouement des fonctionnaires si souvent méprisés.
À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle ? Soit : aucun champ de débat ne doit plus échapper à la souveraineté populaire. Surtout pas ceux de la guerre, de la politique étrangère de la France, de la sûreté, ce beau mot de 1789 qui mêle la sécurité et la liberté sans les opposer. Ils sont trop souvent abandonnés à de prétendus experts, aux marchands, au soi-disant « domaine réservé » du monarque présidentiel.
L’heure est à la récupération populaire du pouvoir. Et d’abord de la Constitution ! Le président de la République lui-même veut la modifier. Pendant l’état d’urgence qui plus est ! Seul Charles de Gaulle avait osé faire cela en 1962, pour renforcer la personnalisation du régime à travers l’élection du président au suffrage direct. Nous en payons encore le prix, 50 ans après la première élection. Aujourd’hui, la volonté présidentielle est de porter atteinte à des principes républicains fondamentaux : la nationalité en permettant de déchoir des citoyens nés Français, et les libertés publiques et personnelles en constitutionnalisant l’état d’urgence pour le rendre plus durable sinon permanent. Et encore une fois, c’est une révision expéditive, en catimini, en discussion de palais et sans référendum. Cette situation confirme plus que jamais la nécessité de convoquer une Assemblée constituante, l’urgence constituante même !
La Nation tout entière a été frappée. C’est donc à la Nation tout entière de prendre en main la riposte. Cela commence par la concorde entre ses membres. Pour que la République soit plus forte que ses adversaires, elle doit être renforcée, et pour cela refondée. Avec plus que jamais comme boussole la liberté, l’égalité et la fraternité.
Matthias Tavel pour l’équipe d’animation du M6R