« Le bonheur est encore une idée neuve »

Par Simone et Claude Mazauric.

Parmi les premiers, Simone et moi, es-qualité de philosophe pour elle et d’historiens pour l’un et l’autre, avons signé l’ « Appel  pour la VIe République ».

Pour nous le constat de la nécessité de sortir des cadres établis par la Constitution (maintes fois révisée d’ailleurs) de la Ve République, n’est en rien une nouveauté. Nous en avons toujours combattu les formes et les effets. Depuis 1958, mais surtout après la révision de 1962, établissant l’élection au suffrage universel du président de la République, et celle intervenue sous Chirac et Jospin, instituant le quinquennat et la simultanéité de l’élection présidentielle et des élections législatives, le régime présidentiel français est devenu une véritable machine de guerre de contre-révolution rampante, systématique et perverse. La Constitution de la Ve République, qui n’a eu pour but et pour fonction que de réduire à néant la volonté du peuple et toute hypothèse de changement autre que celui désiré par les classes dirigeantes, a institué un régime de quasi-monarchie temporaire, à la fois réactionnaire et omnipotent, incapable de réunir une forme quelconque de consensus national plus ou moins progressiste, suscitant un mouvement croissant d’abstention populaire aux élections autres que celle devant désigner le président. Les institutions de la Ve République, sorties initialement du règlement laborieux des crises de régime des années cinquante puis amendées au gré de conjonctures passagères, ont finalement enchaîné le destin de la France à une Europe structurée par les seuls intérêts des oligarchies socio-financières qui la dominent. Sous le commandement d’une caste de supposés « experts », « conservateurs », « libéraux » ou « socialistes », sortis du même moule, issus des mêmes systèmes de pensée et de formation, prêts à tout et en permanence, pour contourner, comme en 2005 et comme aujourd’hui sous le duo Hollande/Valls, la volonté explicite du peuple français. Un peuple qu’on essaie d’ailleurs en permanence de persuader qu’il vit dans une « démocratie représentative » alors qu’elle n’en est que la caricature souvent absurde.

Certes, nous savons par la théorie comme par les leçons de l’expérience historique que le système de représentation politique ne se confond jamais avec le système social qui le sous-tend et en détermine en dernière instance l’évolution. Mais nous ne pouvons ignorer non plus que les formes données à la vie politique contribuent lourdement à en orienter le sens profond en pesant sur le mouvement des rapports de forces sociaux, sur l’imaginaire collectif, l’évolution des consciences et des comportements en obscurcissant la réalité des enjeux et la clarté des données.

Il faut donc lutter sans relâche pour abattre cette Ve République en en appelant au peuple même, en qui repose la seule souveraineté.

Il se trouve que dans l’histoire contemporaine agitée de notre pays depuis deux siècles et deux décennies, chaque crise de régime a donné naissance à une « révolution » ou à un changement de système institutionnel : 1789, 1792, 1814-15, 1830, 1848, 1870, 1944, 1958 ! Nous savons évidemment que dans l’histoire, jamais une habitude ne se prend véritablement, mais nous savons aussi, parce que telle fut l’expérience vécue du peuple français, que des changements radicaux dans la forme politique entraînent des modifications fortes dans les rapports sociaux, lesquels ouvrent des possibilités considérables de transformation de l’ordre dominant : la fin des privilèges légaux de naissance (1789), la reconnaissance du « droit à l’existence » (1793), le « droit au travail » (1848), l’effectivité du droit de « coalition » et de grève, le droit syndical ( après 1870), les législations du « sécurisme social » (1944-46), la décolonisation, les grandes réformes dites « sociétales » après le mouvement de mai 1968.

Imposer qu’en France puisse se réunir une Assemblée populaire constituante instituant la VIe République créerait un événement de portée mondiale, ouvrirait la voie à un processus de grande importance internationale, notamment en Europe mais aussi au-delà. En dégageant l’espace d’un avenir prometteur pour notre pays, cette « bonne nouvelle » préparerait évidemment une nouvelle étape dans la construction d’une France plus émancipée, généreuse et plus ouverte au monde, créatrice et féconde, mais délivrerait surtout un message universaliste qui ébranlerait dictatures et systèmes de pouvoirs oligarchiques, rassemblements d’aigrefins qui gouvernent « légalement » derrière le paravent de régimes dits « représentatifs », États de fait sanguinaires et pouvoirs maffieux presque toujours camouflés sous le couvert de prétendues « religions » ou « traditions », etc.

Nous contribuerions ainsi en tant que citoyens de ce pays, à dire au monde que le « bonheur » est encore « une idée neuve » ! Tel est le sens de notre engagement.

 

Je demande l’élection d’une assemblée constituante qui fonde avec les citoyens la 6e République. Une République débarrassée de la monarchie présidentielle et fondant les nouveaux droits personnels, écologiques et sociaux dont notre pays a besoin.

Je recevrai par mail les informations sur le Mouvement pour la 6e République.

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2 responses to “« Le bonheur est encore une idée neuve »

  1. .Tunisie, sachons tirer les conséquences de leur erreur historique.

    ANALYSE DE LA NOUVELLE CONSTITUTION TUNISIENNE
    par Mata’i Souchon :

    encore une assemblée constituante ÉLUE,
    DONC encore un régime OLIGARCHIQUE démophobe
    [lien supprimé par respect de la charte]

    Une constituante… ÉLUE, bien sûr :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Assembl%C3%A9e_constituante_tunisienne_de_2011#.C3.89lection

    Et, oh ! surprise ! La constitution ne prévoit pas une démocratie mais une oligarchie !

    Constitution définitive : http://dldweb.info/dl.php?f=resext/Constitution%20tunisienne%20du%2025-01-2014.pdf%5D

    Non… C’est moi qui suis mauvaise langue, en fait ils parlent dans le préambule « d’un régime républicain démocratique et participatif, dans le cadre d’un État civil reposant sur la loi et sur la souveraineté du peuple qui s’exerce à travers l’alternance pacifique au pouvoir, par l’organisation d’élections libres. » donc tout va bien 🙂

    La constitution est calquée sur la Constitution française, on reconnaît pas mal de similitudes. Mais surtout, elle prévoit :

    — L’absence totale de toute forme de contrôle ou d’exercice du pouvoir par le peuple réuni directement en assemblées locales ou dans des assemblées tirées au sort.
    Article 3 : « Le peuple est souverain et il est source de tous les pouvoirs, qu’il exerce par le biais de ses représentants élus ou par référendum. ».
    [EDIT : l’article est devenu « Le peuple est le détenteur de la souveraineté, source des pouvoirs qu’il exerce à travers ses représentants élus ou par voie de référendum. », cela aurait été dommage de laisser « source de tous les pouvoirs » !]

    — L’absence de mandat impératif.

    — L’irresponsabilité juridique du Président pendant son mandat et l’irresponsabilité politique absolue (article 86).
    [EDIT : c’est devenu l’article 87]

    — L’irresponsabilité absolue des députés : « Aucune poursuite judiciaire civile ou pénale ne peut être engagée contre un membre de l’Assemblée des Représentants du Peuple. » (article 67) sauf « flagrant délit » (article 68).
    [EDIT : l’article 68 (ex-67) a été modifié, l’immunité ne vaut plus que pendant le mandat : « Un membre de l’Assemblée des représentants du peuple ne peut, pendant son mandat, être poursuivi sur le plan civil ou pénal […] »]

    — L’absence de référendum obligatoire, par exemple pour la ratification des traités et accords qui peuvent être adoptés par simple vote des députés (article 66).
    [EDIT : devenu article 67]

    — L’absence de référendums d’initiative populaire.

    — Un référendum-plébiscite bien encadré. Article 81 : « Le Président de la République peut, exceptionnellement, proposer un référendum sur des projets de lois relatifs à la ratification des traités, aux libertés et aux droits de l’Homme, ou au statut personnel, qui ont été ratifiés par l’Assemblée des Représentants du Peuple, et qui ne sont en contradiction avec la Constitution, conformément à une décision de la Cour constitutionnelle. Le recours au référendum est considéré comme une renonciation au droit de réponse. ».
    [EDIT : l’article 82 (ex-81) prévoit maintenant que « Le Président de la République peut, exceptionnellement, durant les délais de renvoi, soumettre au référendum les projets de lois qui portent sur l’approbation des traités internationaux ou sur les droits de l’Homme et les libertés ou sur le statut personnel, adoptés par l’Assemblée des représentants du peuple. Le recours du référendum est considéré comme un abandon du droit de renvoi. » —> hors délai, pas de référendum !]

    — Le vote de la loi électorale par les députés eux-mêmes (article 64).
    [EDIT : devenu article 65]

    — Des mandats longs pour les députés : 5 ans (article 55) sans révocation possible en cours de mandat. Mais bon, c’est pas grave parce qu’ils prêtent serment (article 57). Comme chacun sait, un élu ne ment jamais.
    [EDIT : devenus articles 56 et 58]

    — La nécessité pour candidater à la présidence de la République d’avoir 40 [EDIT : 35 à présent] ans au moins et de « recueillir la signature d’un certain nombre de membres de l’Assemblée des Représentants du Peuple ou des Présidents des Conseils des collectivités locales élues ou des électeurs inscrits conformément à la loi électorale » (article 73).
    [EDIT : l’article 74 (ex-73) prévoit maintenant une COOPTATION plutôt qu’un recueil de signatures : « Le candidat doit être coopté par un certain nombre de membres de l’Assemblée des représentants du peuple ou de Présidents de conseils des collectivités locales élus ou d’électeurs inscrits, tel que prévu par la loi électorale. »]

    — Un scrutin majoritaire à deux tours pour le Président, élu pour un mandat long de 5 ans sans révocation possible en cours de mandat (article 74). Mais ce n’est pas grave : il prête serment (article 75).
    [EDIT : devenus articles 75 et 76]

    — L’impossibilité de présenter une proposition de loi à moins de 10 députés, la priorité des projets de loi gouvernementaux sur les propositions de lois parlementaires, la compétence exclusive du chef du gouvernement pour les projets de loi de finances et de ratification des traités (article 61).
    [EDIT : devenu article 62]

    — L’impossibilité pour les députés de porter « atteinte aux équilibres financiers préalablement fixés dans les lois de finances. » (article 62).
    [EDIT : l’article 63 (ex-62) parle maintenant d’« atteinte à l’équilibre financier de l’Etat tel qu’établi par la loi de finances. »]

    — La possibilité pour le Président et le Chef du gouvernement de nommer à eux seuls la moitié des candidats à la Cour constitutionnelle (article 115).
    [EDIT : l’article 118 (ex-115) remplace le Chef du gouvernement par le Conseil supérieur de la magistrature.]

    — La « démocratie participative » dans les communes, mais sans précision du pouvoir concrètement accordé aux citoyens : « Les collectivités locales utilisent les mécanismes de la démocratie participative, et les principes de la gouvernance ouverte, afin de garantir une plus large participation des citoyens et de la société civile à l’élaboration des programmes de développement et d’aménagement du territoire ainsi que le suivi de leur exécution conformément à ce qui est fixé par la loi. » (article 136).
    [EDIT : l’article 139 (ex-136) a été reformulé ainsi : « Les collectivités locales adoptent les instruments de la démocratie participative et les principes de la gouvernance ouverte afin d’assurer la plus large participation des citoyens et de la société civile dans la préparation de projets de développement et d’aménagement du territoire et le suivi de leur exécution, et ce, conformément à ce qui est prévu par la loi. » —> « la plus large » est meilleur que « une plus large », mais la « participation » des citoyens reste indéfinie et limitée à un domaine de compétence restreint (le « développement et [l’]aménagement du territoire »).]

    — L’obligation pour le Président, le gouvernement et les députés de déclarer leur patrimoine (article 11). Mais aucun contrôle sur ces déclarations n’est prévu par la Constitution.

    — La liberté de créer des partis politiques, des syndicats et des associations (article 34).
    [EDIT : devenu article 35] Les associations servent à atomiser le corps social et à maintenir les citoyens hors du champ politique.

    Et le meilleur pour la fin : l’impossibilité pour le peuple de réviser sa Constitution… « L’initiative de la révision de la Constitution revient au Président de la République ou au tiers des membres de l’Assemblée des Représentants du Peuple. L’initiative du Président de la République bénéficie de la priorité d’examen. » (article 140).
    [EDIT : GROSSE AGGRAVATION ICI, la nouvelle rédaction remplace le « ou » par « ainsi qu’ », ce qui donne de fait un DROIT DE VÉTO au Président pour toute nouvelle révision constitutionnelle. Son accord est dorénavant incontournable.]
    Mais ce n’est pas grave, car « Le Président de la République peut la soumettre au référendum » (article 142).
    [EDIT : devenu article 144.]

    Les Tunisiens peuvent dormir tranquilles.

    ———

    Voilà les ravages auxquels il faut s’attendre avec une constituante élue. Une oligarchie qui se fait passer pour « un régime républicain démocratique et participatif » mais qui programme l’impuissance politique la plus totale des électeurs. Et ce n’est même pas ce qui occupe les débats, comme le révèle l’article de blog suivant :
    http://blogs.rue89.nouvelobs.com/tunisie-libre/2014/01/07/tunisie-les-ambivalences-constructives-de-la-constitution-232044.

    [EDIT : En complément, voyez l’article de Mediapart sur la constitution définitivement adoptée pour une analyse politique détaillée de cette constitution :
    [lien supprimé par respect de la charte – article propriété de Médiapart]

    ——–

    Il faut noter l’ajout d’un nouvel article entre le 12e et le 13e, ce qui a décalé la numérotation. Ce nouvel article 13 prévoit que « Les ressources naturelles sont la propriété du peuple tunisien, la souveraineté de l’État sur ces ressources est exercée en son nom. », ce qui est louable mais en même temps réaffirme que le peuple tunisien n’exerce pas directement sa souveraineté, il faut que quelqu’un le fasse « en son nom »…

    Deux articles ont été ajoutés et un supprimé :

    — Un nouvel article a été créé au numéro 99 (suite renumérotée) pour instaurer un vote de confiance facultatif (« Le Président de la République peut demander à l’Assemblée des représentants du peuple de procéder à un vote de confiance au gouvernement […] »).

    — Un nouvel article a été créé au numéro 105 (suite renumérotée) pour protéger le métier d’avocat : « L’avocat bénéficie des garanties légales qui lui assurent une protection et lui permettent l’exercice de ses fonctions. ».

    — L’article 141 a été supprimé (suite renumérotée). Il interdisait les révisions constitutionnelles sur certains points (« L’islam comme religion d’État, La langue arabe comme langue officielle, Le régime républicain, Le caractère civil de l’État, Les acquis des droits de l’Homme et des libertés garantis par la Constitution, Le nombre et la durée de mandats présidentiels dans le sens leur augmentation »). Cette interdiction a été rétablie directement dans les articles qui en parlent (1, 2, 49 et 75).]

    Source : https://www.facebook.com/groups/gentilsvirus/permalink/710753522282544/

    http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2014/02/02/367-analyse-de-la-nouvelle-constitution-tunisienne-par-mata-i-souchon-encore-une-assemblee-constituante-elue-donc-encore-un-regime-oligarchique-demophobe

    1. .Voilà Etienne Chouard casé ! Fallait le faire de suite, on aurait gagné du temps… ;0))

      Je demande à nouveau que l’on essaie de sortir des clans !.
      A nouveau, car je l’ai déjà dit ici : http://www.m6r.fr/2014/10/vie-republique-sera-sociale-sera-pas/#comments (Contribution n°7).

      Je crois réellement aux vertus du vrai débat et à la réflexion. Nous sommes en train d’inventer NOTRE Constitution. Même si nous avons œil sur les autres, il s’agit de celle qui correspond à notre situation, à notre culture.

      Cette révolution qui oblige à s’interroger est bien plus importante que la promotion des idées, les meilleures soient-elles, d’un groupe de pression (petit ou grand).

      Je pose donc la question abordée dans le post 7 de « la Sixième République sera sociale ou ne sera pas » : Comment faire un mixe du tirage au sort et de l’élection des constituants ?

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